Quand un artiste doit parler de son  œuvre, c'est comme s'il allait raconter  une partie de sa vie.
Vie et respiration reprennent
 
 
Je ne suis pas d'un  naturel très expansif. Je dois donc faire un effort pour surmonter ma pudeur et transformer en phrases articulées le vagabondage de mes pensées.
 
On croit ou non qu'il reste les racines...
 
           
 
Enfant, la mort n'avait pas de sens pour moi, même si mon entourage familial s'inquiétait de ma constitution fragile. Bien plus tard, quand j'ai compris que la mort était inéluctable, j'ai compris le sens de ma vie.
Suite à des lectures de Mishima et de Endo, j'ai entremêlé la vie et la mort dans mes gravures. Je voulais exprimer une idée d'éternité ou plutôt mon désir de croire en la métempsycose, mais ma représentation pendant mes premières dix années de gravure était trop influencée par l'Histoire de l'Art Occidental.
Paradoxalement, c'est en m'installant à Paris que j'ai pu trouver mon expression artistique - espace de liberté où différentes cultures se combinent - pour créer mon propre langage artistique.
 
Bientôt il se peut qu'éclosent
d'autres couleurs de fleurs et mûrissent d'autres fruits
Au bout du chaos de la vie, la mort est inéluctable
 
       
TOUT EST CYCLE
 
 
C'est avec une fleur d'azalée cueillie dans ma région natale de Gun-Ma au Japon, que j'ai commencé à graver le monde végétal. Aujourd'hui je ne sais pas combien de plantes j'ai inscrites sur le cuivre... mais je dois continuer.
Quand je choisis un végétal, le plus souvent une plante simple, sans parure symbolique, ou une graine - c'est d'abord la forme qui m'attire - je l'extrais de son environnement et ne le regarde que pour lui-même. En le dessinant, aucune pensée ne vient troubler ce moment de concentration. La forme peu à peu apparaît sur la plaque de cuivre jusqu'à atteindre un état fini. Chaque plaque représente un moment unique, un élément de ma mémoire. Elles sont des mots, des impressions de déjà-vu qui remontent à la surface de ma conscience chaque fois que je les utilise. Quand cette forme unique est associée à d'autres pour créer une nouvelle gravure, je cherche à recomposer une mémoire à partir de souvenirs fragmentés qui n'est ni un journal, ni l'herbier d'un botaniste mais plutôt une réflexion sur le temps.
 
Qu'est ce que
RACINES ?

Ce n'est pas nécessaire de le savoir
Si on cesse de penser,
il se peut qu'on comprenne
En fait on n
e comprend pas
 
       
ON VIVRA TOUT
 
 
Mon travail est une représentation abstraite de la nature qui me permet une représentation figurative du temps. Je ne perçois pas le temps comme linéaire, trait aboutissant à la mort. Je veux sentir le temps à l'échelle de l'univers plutôt qu'à celle de l'homme. Il est comme une masse, un volume où chaque élément gravé représente un point qui appartient aussi bien au futur qu'au passé. Les gravures sont des essais pour se tenir à la frontière du fini et de l'infini : le fini parce que la plaque est gravée, passée au bain d'acide... mais elle porte en elle un potentiel infini parce qu'en l'associant à d'autres, je peux composer indéfiniment de nouvelles gravures. Seule la technique de l'eau-forte me donne cette liberté avec le temps.
 
La graine aurait-elle conscience de la pousse et de l'arbre ?
La fleur serait-elle effrayée par la mort ?
 
           
 
Au-delà de toutes ces explications, ce que je donne à voir n'est pas une histoire mais plutôt un poème que chacun lit à sa manière. Vous pouvez être touché ou déçu par mon sens de l'esthétique. Mais c'est un sens qui se développe dans le plaisir de la création, le plaisir du toucher... plaisir que j'aimerais vous communiquer à travers le regard.
 
On ne trouve pas de réponses
Seul demeure le questionnement
 
           
   
Tomohide Kameyama